Extrait :
Il avait attrapé au fond du sac en plastique le masque de confection grossière et imparfaite. Ce n'était pas un chef-d'oeuvre, mais il ferait l'affaire.
Bien que redoutant de croiser un flic en chemin, il était passé inaperçu. Le sac qu'il portait à la main contenait également deux bouteilles provenant du Rikid, la boutique d'alcools, ainsi qu'un gros marteau et un poinçon d'acier, achetés dans un magasin de bricolage.
La veille, il s'était procuré tout le matériel nécessaire à la confection du masque chez un importateur de cuir et peaux, et s'était soigneusement rasé avant d'enfiler sa tenue la plus convenable. Sachant ce qu'il lui fallait, il avait tout trouvé sans difficulté, le cuir, le fil ou l'alêne de cordonnier.
Personne ne risquait de le remarquer. A cette heure matinale, la ville était encore presque déserte. Il s'était soigneusement abstenu de regarder les rares personnes qu'il avait croisées, marchant d'un pas résolu, tête baissée, vers la maison en bois couverte de tôle ondulée dans la rue Grettisgata. Il avait descendu les marches en vitesse, ouvert la porte, puis il s'était précipité à l'intérieur avant de refermer soigneusement derrière lui.
Ensuite, il était resté posté dans l'ombre. Il connaissait désormais si bien ce petit appartement en sous-sol qu'il était capable de s'y repérer, même dans le noir complet. La salle de bains et les toilettes se trouvaient à droite au fond du couloir, la cuisine, du même côté, avec une grande fenêtre fermée par d'épais rideaux, donnait sur l'arrière-cour. De l'autre côté du couloir, le salon, puis la chambre à coucher où il n'avait pénétré qu'une seule fois. D'épais rideaux étaient également tirés devant la fenêtre du salon qui donnait sur Grettisgata. Quant à celle de la chambre, placée en hauteur, elle était occultée par une bâche de plastique noir.
Au lieu d'allumer la lumière, il avait pris le morceau de bougie qu'il conservait sur l'étagère du couloir puis, guidé par sa clarté vacillante, presque fantomatique, il était entré dans le salon. Il entendait les gémissements étouffés du salaud bâillonné, attaché sur sa chaise, les mains derrière le dos, et s'employait à ne pas l'observer avec trop d'attention, évitant surtout de croiser son regard. Il avait posé le sac en plastique sur la table pour en sortir le marteau, le masque, le poinçon et les bouteilles. Puis, il avait ouvert le Brennivin et avalé goulûment une grande lampée d'alcool tiède. Ce liquide fort au goût âpre ne lui brûlait plus la gorge depuis des années.
Revue de presse :
Sigurdur Oli est la pierre angulaire de ce huitième épisode de la saga Erlendur. Un casting inattendu qui s'avère épatant. Dépourvu de charisme, flic sans génie, plus technicien que visionnaire, lesté par des problèmes de stérilité qui minent son couple depuis des années, Sigurdur Oli est un vrai antihéros. Mal dans sa peau mais vaguement, même pas auréolé d'une tendance à l'autodestruction qui affûterait ses contours patauds. Moyen-fade en toute chose. Que ce bloc laborieux tienne la route, qu'on se surprenne à lui vouloir du bien, vient rappeler le talent d'Indridason. Faconde paradoxale car lapidaire, qui trouve son ampleur dans les interstices et le non-dit, dans cette mélancolie mate qui nimbe personnages comme situations d'un linceul fataliste. Comme toujours chez Indridason, il est question dans la Muraille de lave de présent vampirisé par le passé, de douleurs jamais digérées, d'idéaux piétinés, et de péché...
Hélas, tout n'est pas réparable, même par le châtiment ultime, rappelle Indridason. Et l'araignée de tisser dans nos têtes ses fils saturniens. (Sabrina Champenois - Libération du 3 mai 2012)
L'attachant Erlendur Sveinsson sur les pistes d'un meutre, une affaire de pédophilie et une disparition non élucidée...
Indridason réussit, depuis toujours, à faire le lien entre les ambiances à la Ed McBain version 87e district (personnages secondaires essentiels, intrigues entremêlées, passé et présent mélangés), et l'atmosphère de Simenon (pas d'effets dramatiques, importance des décors et de l'environnement), dont l'auteur est un grand fan...
Et ce qui s'annonçait comme un livre de seconde main sans Erlendur est en fait l'une des plus belles réussites de l'auteur. (Eric Libiot - L'Express, juin 2012)
L'adjoint d'Erlendur prend du service et est confronté à une sombre histoire de chantage. Le modèle islandais avec ses failles et ses faillites est pointé du doigt...
Mais tout l'art du romancier est précisément de maintenir ce grand flic au vert - en vacances dans les fjords de l'Ouest - et d'oser un changement de casting non sans bétonner son intrigue et l'immerger crescendo dans une atmosphère de plus en plus poisseuse...
Autant de tragédies qu'Indridason explore de son écriture sans concession, toujours soucieux de dénoncer un présent imprésentable et d'exhumer un passé plus que passable. (Delphine Peras - Lire, juin 2012)
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