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Je me mettais à taper. J'aime sentir sous mes doigts le contact des touches. Je tape très vite, un avantage dans mon métier. J'utilise tous mes doigts et je sais les placer. Le clapotement souple du clavier me réconforte. Toutes proportions gardées, j'imagine que c'est ce que doivent ressentir les pianistes.
Mon travail n'avait pourtant rien à voir avec la musique. Je tapais des lettres courtoises, mais fermes, précisant que les conditions de garantie des contrats ne permettraient pas le remboursement escompté. Les dédommagements que nous offrons ne compensent jamais entièrement le préjudice. C'est un principe. Sinon, comme disait Brottier, où seraient nos bénéfices ? Je renvoyais aimablement, mais fermement, nos assurés à la lecture des clauses. Je tapais : « Dans vos correspondances ultérieures, veuillez rappeler le numéro ci-joint et la date de déclaration du sinistre. »
Pendant que je tapais, mon esprit voyageait. Je sentais un cercle d'humidité autour de mes chevilles. Je me disais qu'il fallait absolument que j'achète un nouveau parapluie, qu'il ne fallait pas oublier.
Pour des courriers de cette nature il aurait suffi d'éditer une lettre type. Mais l'humanité est bizarre. Les gens rêvent tout debout. Les hommes ne veulent pas voir la vérité (surtout dès qu'il s'agit de leurs préjudices). Je suis payée pour le savoir. Une partie de nos assurés s'obstinaient à mentir, échafaudaient toutes sortes d'escroqueries mesquines, inventant des histoires à dormir debout pour des bris de lunettes ou de la tôle froissée.
Je n'en étais pas dupe.
Je me souviens qu'une personne s'est obstinée pendant deux ans pour le remboursement d'une ceinture d'imperméable façon panthère brûlée par son pressing. Pendant deux ans, j'avais reçu tous les quinze jours une lettre d'une grande écriture maladroite et violette dans laquelle la boucle des l, trop maigre et penchée vers la droite, ressemblait, sans barre, à un t. J'imaginais une femme entre deux âges, très maquillée, probablement de condition modeste, avec un rouge à lèvres vif, tirant sur l'orange, des cheveux teints en blond très pâle et beaucoup de noir sur les paupières. Le genre de celles qui misent sur l'impression panthère lorsqu'elles n'ont plus grand-chose à espérer.
À partir d'un certain moment, il faut qu'une femme se résigne. C'était l'opinion de maman. Maman faisait partie de ces femmes, si rares aujourd'hui, pour qui la discrétion et la simplicité sont le signe absolu de l'élégance. Comme elle disait souvent : « On ne se lasse jamais du bleu marine. »
© Gallimard
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Description du livre Soft Cover. Etat : new. N° de réf. du vendeur 9782070766161
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Description du livre Paperback. Etat : NEUF. "Je revoyais aussi les kangourous. Ils ne regardaient pas en face - une manie qu'ils ont de se présenter de profil, comme les lapins. Je n'en avais jamais vu d'aussi près. Je ne savais pas de quel animal les rapprocher ; ils avaient des oreilles écartées, des yeux sombres et inquiets, moins veloutés que ceux des biches ; leur museau était plus ingrat et plus court. En fait, c'était à l'homme qu'ils faisaient penser davantage (je me le suis dit tout à coup). On aurait dit qu'ils n'osaient pas me regarder. (C'était curieux parce que je m'étais tenue devant eux ; je les avais observés à travers les trous du grillage). Et tout à coup je me suis dit qu'ils n'avaient pas non plus dû regarder le meurtrier en face ; mais certainement ils l'avaient vu. Aussi nettement qu'ils me voyaient. Le crime s'était passé tout près. Ils avaient entendu les cris. Ils étaient prudemment restés posés sur leur pelouse, un peu maladifs et tremblants, lorsque la femme avait crié, ils n'avaient pas dû bouger davantage. Mais ils sentaient ; avec ce flair des animaux, ils avaient bien senti qu'il se passait quelque chose de contre-nature. Et ils se cachaient le museau. Et depuis, ils restaient assis dans cette position tellement inconfortable, ils n'osaient pas nous regarder, leurs mains d'infirmes pressées contre leur ventre, dans le geste impuissant que font certains vieillards quand ils se rappellent le passé." Dominique Barbéris. - Nombre de page(s) : 162 p. - Poids : 0g - Langue : fre - Genre : Littérature française Romans Nouvelles Correspondance L'arpenteur. N° de réf. du vendeur N9782070766161